Traitement du syndrome de Gilles de la Tourette


Abstract

Le syndrome de Gilles de la Tourette est une affection neurologique caractérisée principalement par des tics moteurs et vocaux involontaires qui se développent pendant l’enfance et peuvent persister toute la vie. Divers troubles du comportement tels que des troubles obsessionnels compulsifs (TOC) et un syndrome d’hyperactivité et de manque d’attention (ADHD) y sont fréquemment associés.

La prise en charge consiste avant tout en des mesures non médicamenteuses (p. ex. la thérapie cognitive comportementale). Un traitement médicamenteux ne sera instauré que si les tics sont sévères et entravent l' intégration dans la vie sociale. Il consiste généralement en des agonistes des récepteurs α 2- adrénergiques, des antipsychotiques, des antidépresseurs et/ou des stimulants centraux, selon la sévérité des tics et l’association éventuelle à des troubles du comportement.


Généralités

Le syndrome de Gilles de la Tourette est une affection neurologique rare (prévalence de 0,4 à 1%) qui se caractérise par des désordres du mouvement, principalement des tics moteurs et vocaux (entre autres coprolalie) involontaires et soudains. Plusieurs gènes (antécédents familiaux), de même que certains facteurs environnementaux, semblent intervenir dans le développement de la maladie. Ce syndrome apparaît en général pendant l’enfance (avant 18 ans) et s’accompagne souvent (mais pas toujours) d’un ou de plusieurs troubles du comportement tels qu’un syndrome d’hyperactivité et de manque d’attention (Attention Deficit Hyperactivity Disorder ou ADHD) ou des troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Les tics peuvent être de différents types et varier en fréquence et en intensité au cours du temps. Les données disponibles suggèrent que, chez un tiers des personnes atteintes du syndrome, les tics disparaissent à l’adolescence ou à l’âge adulte; chez un tiers, on constate une nette amélioration et chez le tiers restant, les tics persistent à long terme.


Prise en charge

La prise en charge est multidisciplinaire et consiste avant tout en des mesures non médicamenteuses telles que la psycho-éducation (visant à améliorer la compréhension et l’acceptation de la maladie par le malade et par son entourage) et la thérapie cognitive comportementale. Cette dernière réprime les tics par l’exécution d’un acte volontaire qui est incompatible physiquement avec l’expression du tic (« renversement d’habitude »).

Un traitement médicamenteux symptomatique est nécessaire si les tics restent importants malgré les mesures non médicamenteuses et qu’ils entravent considérablement l’intégration dans la vie sociale. En raison de l’hétérogénéité des symptômes et du manque d’essais cliniques, le traitement reste empirique et la réponse au traitement est très variable. En principe, on débute avec un seul médicament à la dose minimale et celle-ci n’est augmentée que lentement. Chez certains patients, l’association de plusieurs médicaments est parfois nécessaire. La nécessité de poursuivre le traitement devra être réévaluée régulièrement, en fonction de l’évolution clinique.

En Belgique, l’indication « syndrome de Gilles de la Tourette » ne figure dans le RCP d’aucun des médicaments utilisés. L’indication « tics nerveux » est uniquement reprise dans le RCP de Haldol® (situation au 01/07/11).

  • Agonistes des récepteurs α2-adrénergiques

    Les agonistes des récepteurs a2-adrénergiques (enregistrés surtout en tant qu’antihypertenseurs à action centrale) tels que la clonidine (Catapressan®) et la guanfacine [n.d.l.r: il n’existe plus de spécialité à base de guanfacine en Belgique depuis janvier 2010] sont souvent utilisés en première intention dans la prise en charge des tics légers. Leur efficacité semble plus faible par rapport aux antipsychotiques mais leur profil d’innocuité paraît plus favorable. Ils constituent un traitement de choix en cas de ADHD associé (voir plus loin). Les principaux effets indésirables sont: sédation, sécheresse de la bouche, vertiges, hypotension, céphalées et irritabilité.

  • Antipsychotiques

    Vu leurs effets indésirables parfois graves, les antipsychotiques ne sont pas un premier choix et sont à réserver pour le traitement des tics plus sévères, ou en cas de réponse insuffisante aux agonistes des récepteurs a2-adrénergiques.

    Les antipsychotiques halopéridol (Haldol®) et pimozide (Orap®), sont les seuls médicaments enregistrés par la FDA aux Etats-Unis dans cette indication. Plusieurs études randomisées contrôlées démontrent leur efficacité pour contrôler les tics dans 70 à 90% des cas. Les critères d’évaluation de la plupart des études ne sont cependant pas standardisés. Le pimozide semblerait mieux toléré que l’halopéridol, à doses équivalentes.

    Le tiapride (Tiapridal®) et le sulpiride (Dogmatil® et génériques) sont couramment utilisés en Europe mais leur efficacité n’est que peu étayée.

    Les antipsychotiques mentionnés comme « autres antipsychotiques » dans le Répertoire (auparavant appelés « atypiques ») semblent également efficaces dans le contrôle des tics. La rispéridone (Risperdal® et génériques) a fait l’objet de plusieurs essais randomisés contrôlés et son efficacité semble similaire à celle des antipsychotiques classiques. L’ aripiprazole (Abilify®) est également utilisé, mais seuls des rapports de cas et des études ouvertes sont disponibles à ce jour. Les principaux effets indésirables des antipsychotiques consistent surtout en de la sédation, une augmentation de l’appétit, une prise de poids, des symptômes extrapyramidaux et des dyskinésies tardives mais aussi, bien que plus rarement, en une hyperprolactinémie, des troubles métaboliques (p.ex. hyperglycémie), un allongement de l’intervalle QT avec risque d’arythmies ventriculaires, un syndrome malin des antipsychotiques.

  • La tétrabénazine [n.d.l.r: non disponible en Belgique], une substance apparentées aux antipsychotiques utilisée dans le traitement de la chorée de Huntington, est parue efficace sur les tics dans quelques rapports de cas.
  • Certaines benzodiazépines (p.ex. le clonazépam, Rivotril®) sont parfois utilisées également pour diminuer les symptômes.
  • D’autres traitements tels le baclofène , la nicotine , le cannabis , des opiacés , des antagonistes calciques, le topiramate, le lévétiracetam, le lithium et la toxine botulique sont parfois utilisés. Leur utilité n’est cependant pas étayée et repose surtout sur des cas anecdotiques.

Traitement des troubles du comportement associés

  • Dans le cas des troubles obsessionnels compulsifs (TOC), les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) ou la clomipramine (Anafranil®) sont recommandés.
  • En cas de syndrome d’hyperactivité et de manque d’attention (ADHD) [voir Fiche de Transparence « Prise en charge de l’ADHD »], on pourra avoir recours aux agonistes des récepteurs α2-adrénergiques et/ou aux stimulants centraux méthylphénidate (Concerta®, Rilatine®) ou atomoxétine (Strattera®). Il faut toutefois garder à l’esprit que les stimulants centraux peuvent entraîner une augmentation des tics pendant les 4 premières semaines du traitement mais cet effet s’atténue ensuite avec le temps.

Références utiles

  • Kurlan R.: Tourette’s syndrome. N Engl J Med 2010; 363: 2332-8
  • Le syndrome de Gilles de la Tourette via www.orpha.net
  • Scahill L, Erenberg G, Berlin Jr CM, Budman C, Coffey BJ et al.: Contemporary assessment and pharmacotherapy of Tourette syndrome. The Journal of the American Society for Experiment 2006; 3: 192-206
  • Parrage HC, Harris KM, Parraga KL, Balen GM et Cruz C.: An overview of the treatment of Tourette’s disorder and tics. J Child Adolesc Psychopharmacol 2010; 20: 249-62