Vaccination contre la coqueluche pendant la grossesse : mise à jour

Les vaccins (inactivés) actuels contre la coqueluche n’ont qu’une courte durée de protection. Un risque important d’exposition à la coqueluche persiste donc dans notre population, même en cas de couverture vaccinale élevée. Des mesures supplémentaires pour protéger les sujets les plus vulnérables, à savoir les jeunes nourrissons qui n’ont pas encore été (totalement) vaccinés, sont donc nécessaires. La recommandation d’administrer une vaccination de rappel contre la coqueluche aux femmes enceintes (entre les semaines 24 et 32 de la grossesse, et ce à chaque grossesse) est renforcée par les résultats d’études observationnelles publiées récemment. Ces études montrent une baisse de l’incidence de la coqueluche chez le jeune nourrisson et un impact favorable sur la morbidité et la mortalité dues à la coqueluche si la mère a été vaccinée pendant la grossesse. La vaccination de la mère pendant la grossesse est plus efficace que la vaccination de la mère peu de temps après l’accouchement, et elle est également considérée comme étant plus efficace que la vaccination de l’entourage proche (vaccination « cocoon »).

La morbidité et la mortalité liées à la coqueluche (pertussis) sont surtout élevées chez les nourrissons de moins de 6 mois. La primovaccination est dès lors prévue le plus tôt possible dans le schéma vaccinal de base du nourrisson, avec la première dose à l’âge de 8 semaines ; lorsque la primovaccination est débutée encore plus tôt, la réponse immunitaire n’est pas suffisamment connue et n'est donc pas recommandée. Les vaccins (inactivés) actuels contre la coqueluche n’ont qu’une courte durée de protection. Même lorsque la couverture vaccinale est élevée comme cela est actuellement recommandé, un risque important d’exposition à la coqueluche persiste dans notre population. Afin de mieux protéger les nourrissons n’ayant pas été (complètement) vaccinés, un certain nombre de mesures ont été prises ces dernières années: vaccination de rappel chez les adolescents, vaccination des personnes dans l’entourage proche du jeune nourrisson (“vaccination cocoon”), et vaccination de rappel chez les femmes enceintes (entre les semaines 24 et 32, et ce à chaque grossesse); si la vaccination de rappel n’a pas été administrée pendant la grossesse, il est recommandé de l’administrer dès que possible après l’accouchement ; ceci s’inscrit alors dans le cadre de la « vaccination cocoon » [voir Folia de novembre 2014, Répertoire chapitre 12.1.2.3. et Avis du Conseil Supérieur de la Santé sur la vaccination contre la coqueluche (2014)]. 

Le vaccin Boostrix® (diphtérie-tétanos-coqueluche) est mis gratuitement à disposition des communautés pour la vaccination des femmes enceintes (entre les semaines 24 et 32). En outre, en Communauté flamande, dans le cadre d’une vaccination contre la coqueluche chez l’adulte, le vaccin Boostrix® est mis également gratuitement à disposition pour la vaccination cocoon et pour la vaccination des personnes qui, de par leur profession, sont en contact étroit avec des jeunes enfants.

Dans le Répertoire Commenté des Médicaments, nous mentionnons à propos de la vaccination contre la coqueluche pendant la grossesse : “…, et il existe des indices d’un effet favorable sur l’incidence des hospitalisations et de la mortalité dues à la coqueluche chez les enfants en très bas âge”. 
Des études observationnelles publiées récemment, menées au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, aident à mieux comprendre l’efficacité de la vaccination des femmes enceintes contre la coqueluche.

- Au Royaume-Uni, un vaccin combiné polio-diphtérie-tétanos-coqueluche est utilisé pour la vaccination contre la coqueluche pendant la grossesse. Au Royaume-Uni, la vaccination entre les semaines 28 et 32 de la grossesse a été recommandée jusque fin mars 2016; depuis le 1er april 2016 il est recommandé de vacciner à partir de la semaine 20 (mais la vaccination peut déjà se faire à partir de la semaine 16).
- Aux Etats-Unis, comme en Belgique, un vaccin combiné diphtérie-tétanos-coqueluche est utilisé. Aux Etats-Unis il est recommandé de vacciner de préférence entre les semaines 27 et 36 de la grossesse.

Ces études renforcent les preuves que la vaccination de la mère contre la coqueluche pendant la grossesse confère une protection chez le très jeune nourrisson qui n’a pas encore été (totalement) vacciné. Chez les enfants dont la mère avait été vaccinée pendant la grossesse, l’incidence de la coqueluche et de la morbidité et mortalité liées à la coqueluche était plus faible que chez les enfants dont la mère n’avait pas été vaccinée pendant la grossesse ou avait été vaccinée peu de temps après l’accouchement.

- Une première étude1 (Royaume Uni) concerne une mise à jour de l’évaluation de la campagne de vaccination au Royaume-Uni, trois ans après son lancement en 2012. Une évaluation un an après le début de la campagne avait déjà été publiée auparavant [voir Folia de novembre 2014]. Sur la période de 2012 à 2015, l’incidence de la coqueluche et de décès liés à la coqueluche chez les enfants de moins de 2 mois (donc avant le début de leur primovaccination) était plus faible lorsque la mère avait été vaccinée pendant la grossesse (au moins 8 jours avant la naissance) que lorsque la mère n’avait pas été vaccinée pendant la grossesse, avec un effet protecteur de 90 % pour ce qui concerne la contraction de la coqueluche, et un effet protecteur de 95 % pour ce qui concerne la mortalité liée à la coqueluche. Il y avait encore un effet protecteur supplémentaire chez les enfants après la première dose de la primovaccination (82 %) et dans une moindre mesure après la deuxième dose (69 %), mais pas après la troisième dose.
- Une deuxième étude2 (Etats-Unis) a comparé l’incidence de la coqueluche chez les enfants dont la mère avait été vaccinée pendant la grossesse (au moins 8 jours avant la naissance, n=68.168) à celle chez des enfants dont la mère n’avait pas été vaccinée pendant la grossesse ou avait été vaccinée dans les 7 jours avant la naissance (n=80.813). Les enfants dont la mère avait été vaccinée pendant la grossesse avaient un risque plus faible de coqueluche à l’âge de 8 semaines (donc avant le début de leur primovaccination) : 1 cas versus 15 cas [effet protecteur de 91,4 % (IC à 95 % 19,5 à 99,1)]. A l’âge d’un an (donc lorsque les enfants avaient déjà reçu trois doses dans le cadre de leur primovaccination), l’incidence était de 80 cas versus 22 cas [effet protecteur de 69,0 % (IC à 95 % 43,6 à 82,9)]. Chez les enfants dont la mère avait été vaccinée peu de temps après l’accouchement, l’incidence de la coqueluche n’avait pas diminué.
- Une troisième étude3 (Etats-Unis) a comparé l’incidence de la coqueluche chez des enfants dont la mère avait été vaccinée contre la coqueluche pendant la grossesse (n=42.908) à celle chez les enfants dont la mère avait été vaccinée peu après l’accouchement (n=31.534 ; la plupart d’entre eux dans les 2 jours). Les enfants dont la mère avait été vaccinée pendant la grossesse avaient un risque plus faible de coqueluche à l’âge de 8 semaines (donc avant le début de leur primovaccination ; 8 cas versus 17 cas) et à l’âge de 12 semaines (donc après la première dose de la primovaccination ; 15 cas versus 25 cas). A l’âge d’un an (donc lorsque les enfants avaient déjà reçu trois doses dans le cadre de leur primovaccination), l’incidence de la coqueluche ne différait pas entre les deux groupes (60 cas versus 59 cas).
- Une quatrième étude4 (Etats-Unis) menée chez des enfants de moins de 3 mois qui avaient contracté la coqueluche, montre une évolution moins grave de la maladie chez les enfants dont la mère avait été vaccinée pendant la grossesse (n=49) par rapport aux enfants dont la mère n’avait pas été vaccinée pendant la grossesse (n=371). Il y avait une diminution de la nécessité d’hospitalisation [43 % vs. 73 % ; RR 0,47 (IC à 95 % 0,35 à 0,63)], une diminution de la nécessité d’hospitalisation dans un service de soins intensifs [13% vs. 30%; RR 0,80 (IC à 95% 0,70 à 0,91)] et une diminution de la durée d’hospitalisation [3 vs. 6 jours (p<0,02)]. Aucun des enfants dont la mère avait été vaccinée pendant la grossesse n’a dû être intubé ou est décédé ; dans le groupe dont la mère n’avait pas été vaccinée, 8 % des enfants ont dû être intubés, et 2 % des enfants sont décédés.

Commentaire du CBIP

  • Ces études renforcent la recommandation de vacciner les femmes enceintes contre la coqueluche afin de protéger les nourrissons très jeunes et par conséquent vulnérables. La vaccination pendant la grossesse est préférable à la vaccination de la mère après l’accouchement. La vaccination de la mère pendant la grossesse s’avère d’ailleurs également plus efficace que la vaccination d’autres personnes dans l’entourage proche du nourrisson (vaccination cocoon).5

  • Il s’agit ici d’études observationnelles qui, en raison de leurs limites (biais, facteurs confondants), ne peuvent pas prouver de lien de causalité. Vu les objections éthiques, des études randomisées à ce sujet ne sont probablement pas acceptables.

  • Il existe des indices selon lesquels la réponse immunitaire à la propre primovaccination peut être influencée négativement (“blunting”) lorsque la mère a été vaccinée contre la coqueluche pendant la grossesse. La pertinence clinique de cet effet (p.ex. augmentation de la morbidité chez les enfants plus âgés ou les adolescents) doit faire l’objet d’études supplémentaires. Les études mentionnées ci-dessus à ce sujet sont rassurantes, mais un suivi reste important.

  • Un plus grand nombre de données s’avère aussi nécessaire concernant le meilleur moment pour vacciner pendant la grossesse (il est actuellement recommandé en Belgique de vacciner entre les semaines 24 et 32 de la grossesse) et, en tenant compte de la recommandation actuelle de vacciner à chaque grossesse, et de la nécessité éventuelle d’un intervalle minimum entre des administrations répétées du vaccin. L’administration répétée de vaccins contenant la toxine tétanique, à des intervalles de moins de 5 ans, a été associée à une augmentation de l’incidence de réactions locales. Une étude observationnelle récente menée chez des femmes enceintes vaccinées avec un vaccin contre le tétanos, la diphtérie et la coqueluche, est rassurante à ce sujet: l’étude ne montrait aucune différence quant à l’incidence des effets indésirables chez la femme enceinte (fièvre, réactions allergiques, réactions locales) et des issues de grossesse indésirables (small-for-gestational age babies, naissance avant terme, faible poids de naissance) chez les femmes qui avaient reçu un vaccin contenant la toxine tétanique moins de 2 années, 2 à 5 années ou plus de 5 années auparavant.6

  • Conclusion. Il existe de plus en plus de preuves que la vaccination de la mère pendant la grossesse constitue une mesure efficace pour protéger le nourrisson qui n’a pas encore été (totalement) vacciné contre la coqueluche et ses complications graves.

 

Sources générales

- Omer SB. Maternal Immunization. N Engl J Med 2017;376:1256-67 (doi: 10.1056/NEJMra1509044)
- van der Maas NAT, van Aerde K, Bont LJ, Bekker MN et al. Stand van zaken. Infectiepreventie bij zuigelingen door maternale vaccinatie. Huidige inzichten en ontwikkelingen. Ned Tijdschr Geneeskd 2016;160:D411 
- Leuridan E. Pertussis vaccination in pregnancy: State of the art. Vaccine 2017 Mar 27. pii: S0264-410X(17)30388-2. (doi: 10.1016/j.vaccine.2017.03.061)

Sources spécifiques

1 Amirthalingam G, Campbell H, Ribeiro S, Fry NK et al. Sustained Effectiveness of the Maternal Pertussis Immunization Program in England 3 Years Following Introduction. Clinical Infectious Diseases 2016;63(S4):S236–43 (doi:10.1093/cid/ciw559)
2 Baxter R, Bartlett J, Fireman B et al. Effectiveness of Vaccination During Pregnancy to Prevent Infant Pertussis. Pediatrics 2017;139(5):e20164091(doi:10.1542/peds.2016-4091)
3 Winter K, Nickell S, Powell M en Harriman K. Effectiveness of Prenatal Versus Postpartum Tetanus, Diphtheria, and Acellular Pertussis Vaccination in Preventing Infant Pertussis. Clinical Infectious Diseases 2017;64(1):3-8 (doi: 10.1093/cid/ciw634)
4 Winter K, Cherry JD en Harriman K. Effectiveness of Prenatal Tetanus, Diphtheria, and Acellular Pertussis Vaccination on Pertussis Severity in Infants. Clinical Infectious Diseases 2017;64(1):9–14 (doi: 10.1093/cid/ciw633)
5 Forsyth K, Plotkin S, Tan T en Wirsing von König CH. Strategies to Decrease Pertussis Transmission to Infants. Pediatrics 2015;135(6):e1475-82 (doi: 10.1542/peds.2014-3925)
6 Sukumaran L, McCarthy NL, Kharbanda EO, McNeil MM et al. Association of Tdap vaccination with acute events and adverse birth outcomes among pregnant women with prior tetanus-containing immunizations. JAMA 2015;314(15):1581-87 (doi:10.1001/jama.2015.12790)