Vaccination contre les pneumocoques chez l’adulte

 
Abstract

L’étude CAPITA, menée chez des adultes immunocompétents âgés de plus de 65 ans, montre qu’une primovaccination par 1 dose du vaccin antipneumococcique conjugué 13-valent (PCV13), offre une protection partielle contre les pneumonies acquises en communauté (CAP) et les infections invasives à pneumocoques par les types de pneumocoques présents dans le PCV13. Le Conseil Supérieur de la Santé en Belgique a, entre autres suite à cette étude, révisé ses recommandations sur la vaccination contre les pneumocoques chez l’adulte: la vaccination est désormais recommandée jusqu’à l’âge de 85 ans, et pour la primovaccination, l’administration séquentielle du PCV13 et du vaccin antipneumococcique 23-valent (PPV23) est recommandée pour tous les groupes-cibles.

Certaines questions concernant la vaccination antipneumococcique chez l’adulte restent sans réponse, p.ex. en ce qui concerne l’impact sur la mortalité liée aux infections à pneumocoques ou le bénéfice chez les patients à risque élevé tels les patients immunodéprimés ou présentant une asplénie. Vu la sévérité potentielle des infections à pneumocoques chez les patients à risque élevé, ceux-ci restent le groupe-cible prioritaire pour la vaccination. Pour les autres groupes-cibles, une évaluation du bénéfice, des risques et du coût est indiquée, mais on ne dispose pas toujours de toutes les données nécessaires. Toute suspicion d’infection par des pneumocoques doit, même chez les personnes vaccinées, être traitée de manière adéquate et sans délais.

Pour la vaccination contre les pneumococques chez l’adulte, il existe deux types de vaccins: un vaccin polysaccharidique non conjugué 23-valent (PPV23; Pneumovax 23®) et un vaccin polysaccharide conjugué 13-valent (PCV13; Prevenar 13®). Le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) du vaccin polysaccharidique conjugué 10-valent (PCV10; Synflorix®) ne mentionne comme indication que l’usage chez l’enfant jusqu’à l’âge de 5 ans.

L’étude CAPITA a été discutée dans les Folia de janvier 2014 ; il s’agit de la première étude avec le PCV13 portant sur des critères d’évaluation cliniques chez l’adulte. Cette étude vient d’être publiée1. C’est entre autres à la suite de cette étude que le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) a modifié ses recommandations au sujet de la vaccination contre les pneumocoques chez l’adulte2. Le CSS a également révisé récemment ses recommandations sur la vaccination contre les pneumocoques chez l’enfant et l’adolescent; cet avis a fait l’objet d’un communiqué le 29/06/15 dans la rubrique " bon à savoir " sur notre site Web.

 

L’étude CAPITA

L’étude CAPITA est une étude randomisée, en double aveugle, réalisée avec le PCV13 (Prevenar 13®) chez des adultes immunocompétents âgés de 65 ans ou plus qui n’avaient jamais été vaccinés auparavant contre les pneumocoques; la proportion de personnes présentant une comorbidité était limitée. Environ 69 % des patients étaient âgés entre 65 et 75 ans; environ 28 % entre 75 et 85 ans; 3,5 % des patients avaient plus de 85 ans. Les personnes résidant en maison de repos étaient exclues de l’étude. Cette étude, sponsorisée par le fabricant du vaccin, a été menée aux Pays-Bas. Les patients recevaient 1 dose du vaccin ou un placebo, et étaient suivis pendant 4 ans en moyenne.

  • Le critère d’évaluation primaire était la prévention d’un premier épisode de pneumonie acquise en communauté (CAP), invasive (c.-à-d. associée à une bactériémie) ou non invasive (c.-à-d. sans bactériémie), causée par des types de pneumocoques présents dans le vaccin ("vaccin type CAP"). Un premier épisode est survenu chez 49 patients (environ 0,1%) dans le groupe PCV13 (n=42.240) et chez 90 patients (environ 0,2%) dans le groupe placebo (n=42.256). Cela revient à un effet préventif de 45,6% (intervalle de confiance à 95% 21,8 à 62,5). Le Number Needed to Treat ou NNT était de 1.031 sur une période de 4 ans.
  • Un critère d’évaluation secondaire était la prévention d’un premier épisode d' " infection à pneumocoques invasive par des types de pneumocoques présents dans le vaccin ". Un premier épisode est survenu chez 7 patients dans le groupe PCV13 et chez 28 patients dans le groupe placebo. Cela revient à un effet préventif de 75 % (intervalle de confiance à 95 % 41,4 à 90,8). Le NNT était de 2.012 sur une période de 4 ans.
  • L’étude n’a pas montré de bénéfice sur les critères d’évaluation "CAP non invasive par des pneumocoques (n’importe quel type)" et " all cause CAP " (c.-à-d. CAP due aussi bien à les pneumocoques qu’à d’autres germes). Il n’était pas possible de se prononcer quant à un effet sur la mortalité par CAP (vu le nombre trop restreint de cas fatals). Un effet sur la mortalité totale n’a pas non plus été constaté.
  • Les effets indésirables dans le groupe des patients vaccinés consistaient en des réactions locales (surtout de la douleur au site d’injection), et – moins fréquemment – des réactions systémiques (surtout douleurs musculaires et fatigue, rarement fièvre).
 

Les changements dans la fiche de vaccination du CSS

Les changements sont les suivants.

  • Extension de la limite d’âge pour la vaccination jusqu’à l’âge de 85 ans (antérieurement, jusqu’à 75 ans).
  • Modification du schéma de vaccination.
    • Pour la primovaccination, on recommande actuellement pour les trois groupes-cibles [c.-à-d. (1) " patients à risque élevé " âgés entre 19 et 85 ans (p.ex. patients immunodéprimés ou présentant une asplénie), (2) adultes âgés entre 50 et 85 ans présentant une comorbidité et (3) personnes en bonne santé âgées entre 65 et 85 ans] 1 dose de PCV13, suivie après au moins 8 semaines d’1 dose de PPV23. Antérieurement, deux options étaient proposées chez les personnes en bonne santé de plus de 65 ans: soit seulement 1 dose de PCV23, soit l’administration de 1 dose de PCV13 suivie de 1 dose de PPV23.
    • Chez les personnes qui ont déjà été vaccinées antérieurement avec le PPV23, l’avis n’est pas modifié: vaccination unique par PCV13, au moins 1 an après la dernière vaccination par le PPV23.
  • Chez les personnes de plus de 50 ans présentant une comorbidité et chez les personnes de plus de 65 ans en bonne santé, un rappel n’est plus recommandé (antéreurement, un rappel unique avec PPV23). Chez les " patients à risque élevé ", l’avis n’est pas modifié: un rappel tous les 5 ans avec PPV23.
 

Commentaire du CBIP

  • L’étude CAPITA permet de démontrer pour la première fois que la vaccination des adultes contre les pneumocoques (en particulier avec le vaccin conjugué PCV13) ne protège pas seulement contre les infections invasives à pneumocoques, mais également contre la pneumonie acquise en communauté (CAP) par des types de pneumocoques présents dans le vaccin. Pour le PPV23, un effet protecteur n’a été démontré que pour les infections à pneumocoques invasives, pas pour la CAP.
  • La protection des vaccins antipneumococciques n’est que partielle et uniquement dirigée contre les types de pneumocoques présents dans le vaccin. De plus, aucun bénéfice n’a été démontré en ce qui concerne la mortalité liée aux infections à pneumocoques ou l’incidence de la CAP quelle qu’en soit la cause.
  • Même après l’étude CAPITA, on ne dispose pas de preuves rigoureuses en ce qui concerne la protection du PCV13 et du PPV23 chez les patients présentant une comorbidité importante et chez les " patients à risque élevé " (p.ex. les patients immunodéprimés ou présentant une asplénie). Les " patients à risque élevé " restent toutefois le groupe-cible prioritaire pour la vaccination, même si la réponse immunitaire et la durée de protection pourraient être moindres. Dans les autres groupes-cibles et surtout chez les personnes de plus de 65 ans en bonne santé, il convient de tenir compte du bénéfice, des risques et du coût dans la décision de vacciner, mais on ne dispose pas toujours de toutes les données nécessaires.
  • PCV13 et PPV23 couvrent ensemble une grande partie des souches responsables des infections invasives à pneumocoques chez l’adulte en Belgique (85 % des cas sur base de chiffres durant la période 2009-20113). Un suivi épidémiologique reste toutefois important étant donné qu’un glissement des souches pathogènes et une augmentation des infections par des sérotypes qui ne sont pas présents dans les vaccins ont été rapportés chez des enfants vaccinés par des vaccins antipneumococciques conjugués (" remplacement de sérotype ").
  • Toute suspicion d’infection par des pneumocoques doit, même chez les personnes vaccinées, être traitée de manière adéquate et sans délais.

1 N Engl J Med 2015; 372: 1114-25 (doi:10.1056/NEJMoa1408544), avec courriers de lecteurs 2015; 373: 91-3 (doi:10.1056/NEJMc1505366)

2 Avis CSS 9210", via www.health.belgium.be/filestore/19100960_FR/CSS_9210_pneumoadultes_light.pdf

3 Euro Surveill. 2014; 19: 31 pii=20869 (via www.eurosurveillance.org )