Durée plus courte du "double traitement antiplaquettaire" après une endoprothèse coronaire à élution médicamenteuse?

Après la pose d’une endoprothèse coronaire à élution médicamenteuse (EEM), le patient est d’abord traité par une thiénopyridine (clopidogrel, prasugrel) ou par le ticagrélor, en association avec l’acide acétylsalicylique (double traitement antiplaquettaire: DTAP).  La durée de ce traitement est sujette à discussion.  Deux études effectuées dans la seconde moitié de 2018 ont examiné si une durée plus courte du DTAP que celle recommandée classiquement après une endoprothèse coronaire à élution médicamenteuse offre des avantages.

Dans l’étude DAPT-STEMI, après un suivi total de 24 mois, un DTAP pendant 6 mois n’était "pas inférieur" à un DTAP pendant 12 mois sur un critère d’évaluation primaire composé de mortalité globale, de morbidité cardiovasculaire et de saignement majeur.
Dans l’étude GLOBAL LEADERS, après un traitement d’une durée totale de 24 mois, un DTAP pendant un mois suivi d’une monothérapie par ticagrélor n’était pas supérieur à un schéma thérapeutique classique (12 mois de DTAP, suivis d’un traitement par acide acétylsalicylique en monothérapie) sur un critère d’évaluation primaire composé de mortalité globale et d’un nouvel infarctus du myocarde.

Ces deux études n’offrent pas de base suffisante pour mieux déterminer la durée optimale du DTAP. Dans l’attente d’autres études, il convient donc de suivre les directives actuelles : DTAP pendant 12 mois après endoprothèse à élution médicamenteuse après un syndrome coronarien aigu et DTAP pendant 6 mois après endoprothèse à élution médicamenteuse en cas de maladie coronarienne stable.

Après la pose d’une endoprothèse coronarienne à élution médicamenteuse (EEM), le patient doit être traité avec une thiénopyridine (clopidogrel, prasugrel) ou avec le ticagrélor, en association avec l’acide acétylsalicylique (double traitement antiplaquettaire : DTAP).  La durée de ce traitement est sujette à discussion.  Dans les directives actuelles1,2, lorsqu’on place une EEM après un syndrome coronarien aigu, on préconise une durée de DTAP de 12 mois suivie d’un traitement à vie d’acide acétylsalicylique en monothérapie.  En cas de maladie coronarienne stable, lorsqu’on place une EEM, on préconise une durée de DTAP de 6 mois, suivie d’un traitement à vie d’acide acétylsalicylique en monothérapie.  Toutefois, les directives laissent la possibilité de raccourcir ou de prolonger la durée du DTAP en fonction du risque de saignement du patient. 
Une récente analyse post-hoc rétrospective, basée sur les données de 8 grandes études randomisées, suggère que les patients sans risque accru de saignement peuvent bénéficier d’une plus longue durée de DTAP3.  Cette hypothèse doit faire l’objet d’une évaluation plus approfondie dans le cadre d’études prospectives.  Bien que certains experts soutiennent que la durée du DTAP devrait être encore prolongée, ces dernières années, des efforts ont été plutôt faits pour la raccourcir, en raison du risque plus élevé de saignement d’une double thérapie et de la plus faible fréquence de thromboses de l’endoprothèse avec les actuelles EEM de deuxième génération (c.-à-d. les endoprothèses avec le zotarolimus, l’évérolimus ou le ridaforolimus et un design plus fin avec une plus grande biocompatibilité).  Deux études effectuées dans la seconde moitié de 2018 ont examiné les avantages et les inconvénients d’un DTAP plus court, mais n’ont pas répondu à la question de la durée idéale du DTAP.

L’étude DAPT-STEMI

Cette étude randomisée, non en aveugle, a été effectuée chez 870 patients chez lesquels une EEM de deuxième génération a été placée après un syndrome coronarien aigu4.  Un DTAP pendant 6 mois était "non inférieur" à un DTAP pendant 12 mois pour un critère d’évaluation primaire composé de mortalité, morbidité cardiovasculaire et saignement majeur, après un suivi total de 24 mois.
Les résultats sont difficiles à interpréter parce que l’incidence du critère d’évaluation primaire était faible et l’intervalle de confiance large.  Cela est d’autant plus vrai pour les différentes composantes du critère d’évaluation primaire, pour lesquelles aucune différence significative entre les deux durées de traitement n’a été démontrée.  La combinaison des effets souhaitables et des effets indésirables dans le critère d’évaluation primaire fait qu’il est difficile d’évaluer les avantages et les inconvénients d’un DTAP plus court.  Des études de plus grande envergure sont nécessaires pour confirmer l’équivalence des deux durées de traitement.

Le critère composite était: la mortalité globale, l’infarctus du myocarde, la revascularisation, l’AVC et l’hémorragie majeure.  Ce critère d’évaluation composite a été observé chez 4,8 % des patients du groupe recevant un DTAP plus court contre 6,6 % des patients du groupe recevant un DTAP plus long (HR 0,73 ; IC à 95 % 0,41 à 1,27). La non-infériorité a été jugée prouvée (p = 0,004 pour la non-infériorité) puisque la limite supérieure de l’intervalle de confiance était inférieure à la limite prédéfinie pour la non-infériorité (1,66).  

L’étude GLOBAL LEADERS

L’étude GLOBAL LEADERS, beaucoup plus vaste, randomisée et en non aveugle, a été réalisée chez 15.968 patients chez lesquels une endoprothèse de troisième génération (avec polymère biorésorbable) avait été implantée en raison d’un syndrome coronarien aigu ou de maladie coronarienne stable5. Après 2 années de traitement, un traitement à base de ticagrélor (1 mois de DTAP initial avec ticagrélor et acide acétylsalicylique suivi d’un traitement par ticagrélor en monothérapie) n’était pas supérieur à un traitement classique (12 mois de DTAP avec ticagrélor ou clopidogrel et acide acétylsalicylique, suivis d’un traitement par acide acétylsalicylique en monothérapie) sur un critère d’évaluation primaire composé de mortalité et de nouvel infarctus du myocarde.

Une diminution légèrement non statistiquement significative de l’incidence du critère d’évaluation primaire a été observée dans le groupe ticagrélor par rapport au groupe témoin traité selon le schéma classique: 3,81 % des patients du groupe traité selon le schéma à base de ticagrélor sont décédés ou ont subi un nouvel infarctus du myocarde pendant la période de l’étude de 2 ans contre 4,37 % des patients du groupe témoin traités selon le schéma classique (RR 0,87 ; IC à 95 % 0,75 à 1,01). Une réduction relative du risque de 20 % a été suggérée comme condition pour démontrer la supériorité, mais elle n’a pas été atteinte.
Il n’y avait pas de différence dans l’incidence des saignements majeurs entre les deux groupes: 2,04 % dans le groupe ticagrélor contre 2,12 % dans le groupe témoin (RR 0,97 ; IC à 95 % 0,78 à 1,20).

L’étude a été publiée dans les médias nationaux en été 2018 avec des titres tels que: "Les anticoagulants chers ne valent pas mieux que les aspirines bon marché pour les patients cardiaques qui ont reçu une endoprothèse".  Etant donné le design complexe de l’étude, avec d’une part une réduction significative de la durée du DTAP dans le groupe expérimental au cours de la première année de l’étude, et d’autre part l’utilisation d’un antiagrégant plus puissant (ticagrélor) dans le groupe expérimental pendant la deuxième année de l’étude, il est difficile de se prononcer sur la durée optimale du DTAP après avoir placé un EEM.  Cette étude ne permet pas non plus de se prononcer, basé sur la deuxième année de traitement, quant à la place de l’acide acétylsalicylique en monothérapie par rapport au ticagrélor en monothérapie parce que les patients du groupe recevant du ticagrélor et du groupe recevant de l’acide acétylsalicylique recevaient un traitement différent pendant la première année de l’étude.  La seule conclusion claire est que le traitement expérimental proposé n’était pas meilleur que le traitement standard actuel.  Le schéma de traitement classique reste donc préférable, certainement compte tenu également de la moindre observance thérapeutique avec le ticagrélor, le coût élevé du ticagrélor et la nécessité de prendre le ticagrélor deux fois par jour.

Sources spécifiques

2017 ESC focused update on dual antiplatelet therapy in coronary artery disease. Eur Heart J 2018;39:213-60. doi: 10.1093/eurheartj/ehx419
2 2016 ACC/AHA guideline focused update on duration of dual antiplatelet therapy in patients with coronary artery disease. J Am Coll Cardiol 2016;68:1082-115. doi: 10.1016/j.jacc.2016.03.513
3 Costa F, Van Klaveren D, Feres F, James S, Räber L et al. Dual antiplatelet therapy duration based on ischemic and bleeding risks after coronary stenting. J Am Coll Cardiol 2019;73:741-54. doi: 10.1016/j.jacc.2018.11.048

4 Kedhi E, Fabris E, van der Ent M, Buszman P, von Birgelen C et al. Six months versus 12 months dual antiplatelet therapy after drug-eluting stent implantation in ST-elevation myocardial infarction (DAPT-STEMI): randomised, multicentre, non-inferiority trial. BMJ 2018;363:k3793. doi: 10.1136/bmj.k3793
5 Vranckx P, Valgimigli M, Jüni P, Hamm C, Steg PG et al. Ticagrelor plus aspirin for 1 month, followed by ticagrelor monotherapy for 23 months vs aspirin plus clopidogrel or ticagrelor for 12 months, followed bij aspirin monotherapy for 12 months after implantation of a drug-eluting stent: a multicentre, open-label, randomised superiority trial. Lancet 2018;392:940-9. doi: 10.1016/S0140-6736(18)31858-0